L’invasion du poisson-lion

 

Cette invasion est due au poisson-lion, appelé également rascasse volante, et qui possède de longues épines venimeuses sur ses nageoires dorsales, anales et pelviennes. Ses piqûres sont très douloureuses et peuvent être dangereuses.

C’est un véritable ogre marin, un perturbateur extrême de l’écosystème subaquatique !

 

 

 

 

Vivant à l’origine en Asie et dans l’océan indien, c’est par le canal de Suez qu’il est entré en Méditerranée. On en trouve actuellement à Chypre, en Grèce, en Crête, puis en Sicile et jusqu’en Tunisie.

Mais c’est également sur la côte sud-est des Etats-Unis et dans le golfe du Mexique où il est apparu, suite à une regrettable manipulation humaine …

Les premières rencontres y remontent au printemps 2008 dans une région où il était totalement inconnu jusque-là. Un poisson très proche du poisson-lion asiatique de l’Indonésie.

C’est une espèce qui dévore tout sur son passage : les petits poissons, les larves, les crevettes, les crabes, les poulpes…  et en 10 ans, leur nombre augmente vertigineusement. Certains peuvent dépasser 40 cm.

Une étude en Caroline du sud donne comme origine à cette apparition, le rejet à la mer de quelques unités vers la fin des années 80,  par des propriétaires d’aquarium de Floride qui voulaient s’en débarrasser.

A la suite de quoi, ces poissons dont on pense qu’ils ne devaient pas dépasser une dizaine, se sont reproduits à la vitesse « grand V » et ont commencé leur migration vers les Bahamas, le golfe du Mexique et la mer des Caraïbes.

 

 

Un programme de lutte contre le poisson-lion structuré :

Aux Bahamas, le tourisme représente 60% du PIB. C’est ce que l’on appelle l’économie bleue qui englobe toutes les activités liées aux océans et aux côtes et dont fait partie la plongée et de la pêche-tourisme. Il y a plus de 1 600km de côtes aux Bahamas.

Il fallait donc, devant l’ampleur de l’invasion, lancer un programme de lutte structuré.

On a étudié l’évolution du phénomène en faisant appel à des plongeurs qui ont balisé au fond de la mer, des périmètres d’étude dans des zones où le poisson-lion s’était installé. Première observation, la disparition de plusieurs espèces qui y vivaient auparavant, mérous, poissons perroquets, poissons papillons, chirurgiens, poulpes… Et la première étape a été de recenser ces envahisseurs. Et d’étudier leur mode de vie.

Le poisson-lion est un poisson très vorace il ingurgite sa proie en 25 millièmes de secondes, séquence impossible à voir à l’œil humain. Il a fallu des films à environ 2000 images par seconde pour s’apercevoir que ce poisson utilisait une propulsion de ses mandibules et que, après l’ouverture de sa bouche  (5 cm sur une largeur de 9 cm) il aspirait sa proie. Son estomac élastique a la particularité  de pouvoir se dilater jusqu’à atteindre 30 fois son volume initial.

Pour avoir une idée de la consommation de ce goinfre, cela représente environ 5 kg de nourriture quotidienne pour un homme de 75 kg !

De plus, c’est un prédateur qui se reproduit très vite. Les femelles peuvent pondre 2 millions d’œuf par an, avec une ponte tous les quatre jours.

 

 

 

Il a fallu aussi éduquer rapidement les résidents côtiers et des séances d’information ont été organisées, en particulier dans les écoles, pour avertir du danger causé par les piqûres de ce prédateur.

 

La chasse au poisson-lion est déclarée :

La deuxième étape du programme de lutte a été de procéder à l’éradication de tous les poissons-lions des zones balisées, toujours en faisant appel à des plongeurs bouteille. L’expérience a montré que les colonies se reformaient très rapidement, et qu’il fallait renouveler ce « nettoyage » tous les 6 mois, pour arriver à diviser par deux, le nombre de ces poissons indésirables.

 

 

Le gouvernement a même fait appel aux pêcheurs locaux (pêche sous-marine) pour les inciter à pêcher cette espèce et à la consommer.

On a sollicité ensuite la pêche industrielle  pour fournir les restaurants qui proposent le poisson-lion à leur menu. Mais seuls les gros gabarits sont commercialisables pour être consommés. Et les petits continuent à proliférer.

 

On a même fait des distributions de harpons et organisé des concours de pêche.

De leur côté, les scientifiques ont poursuivi leurs investigations pour savoir jusqu’à quelle profondeur on pouvait trouver des poissons-lions. Faire appel aux pécheurs en apnée pour les chasser, ne peut se limiter qu’à une profondeur qui ne dépasse pas 20 mètres.

Une équipe de plongeurs a alors organisé en recycleur, une plongée sur une épave située à 70 mètres de profondeur et ils y ont découvert… des poissons-lions mais aussi la disparition des 2/3 des espèces qui y vivent habituellement. Parmi les survivants, quelques mérous isolés.

Et en dessous des 70 mètres ?

Pour avoir la réponse à cette question, un sous-marin de poche a été utilisé pour descendre à une profondeur de 200 mètres, investigation qui a permis de trouver encore la présence de poissons-lions dont certains étaient énormes.

 

Les mérous et les requins appelés en aide :

Les scientifiques en sont arrivés à la conclusion : c’est que l’on n’arrivera pas à se débarrasser de cette invasion par la seule intervention humaine. Le seul moyen d’y arriver est de trouver un ou plusieurs prédateurs qui puissent intervenir quelle que soit la profondeur. Les solutions étaient très limitées. Seuls les requins et éventuellement les mérous sont capables de remplir ce rôle. Deux espèces qui ne semblent pas craindre le venin des épines des poissons-lions, du moins pour les requins.

Le seul problème, c’est que les poissons-lions dans des fonds océanographiques où ils étaient totalement inconnus, ne font pas partie des espèces dont se nourrissent les requins et les mérous, et qui restaient indifférents face à ces proies potentielles.

On a donc décidé, aux Bahamas, mais aussi au Honduras, de faire appel à nouveau à des équipes de plongeurs en bouteille, pour descendre avec des poissons-lions embrochés au bout de perches, et de donner la « béquée » aux mérous et aux requins des Caraïbes. Et ainsi à leur faire connaître une nourriture exotique qu’ils ne connaissaient pas.

 

 

Cela commence toujours par une période d’observation avant que mérous et requins comprennent, assez rapidement, qu’ils peuvent ajouter ce nouveau « plat » à leur menu habituel.

Les plongeurs qui participent à ces cours de gastronomie, estiment qu’avec quelques plongées, il faut deux à trois mois pour éduquer un mérou ou un requin à modifier son alimentation et y inclure le poisson-lion.

 

Un robot tueur à reconnaissance visuelle du poisson-lion :

Enfin, et si tout cet arsenal ne suffisait pas pour venir à bout de l’envahisseur, une équipe américaine de roboticiens travaille sur la mise au point d’un robot capable de descendre en eau profonde pour éliminer les poissons-lions, appelé « lionfish terminator ».

Ce prédateur artificiel est un robot sous-marin équipé d’une caméra et d’un programme de reconnaissance visuelle capable d’identifier un poisson-lion. Une fois localisée, la cible  est prise entre deux bras métalliques, estourbie par une décharge électrique et aspirée dans un réservoir avant d’être remontée à la surface. Une étude est en cours à ce sujet pour finaliser la mise au point de ce projet.

 

La crainte d’une extension à plus grande échelle :

Tout est fait pour lutter et éradiquer la prolifération de cette espèce nuisible. Sans intervention sur les zones déjà concernées, personne ne sait où s’arrêterait cette invasion. D’après la communauté scientifique, seules les eaux plus froides dont la température est inférieure à 15° serait la barrière limite de la prolifération de l’espèce. Donc invasion totale de la Méditerranée avant les côtes est de l’Atlantique, et pour le continent américain, après l’invasion du golfe du Mexique, une prolifération jusqu’à la côte nord de l’Argentine.

 

Ce que tout le monde espère, c’est que la traversée des lagunes d’eau douce du Canal de Panama soit une barrière naturelle à la prolifération côté océan Pacifique.:

 

 

Malheureusement, de nombreux spots de plongée coté golfe du Mexique et Caraïbes ont déjà été dévastés par cette invasion, où il n’y a pratiquement plus aucune espèce que les plongeurs avaient l’habitude d’y rencontrer. Et le risque est le même en Méditerranée.

 

 

Vidéos :

Comment le poisson lion envahit la Méditerranée (1mn 45) :   ICI

Mérou contre poisson lion (4 mn 09) :   ICI

Chasse et consommation du poisson lion en Guadeloupe (2 mn 52) :   ICI

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